Au commencement du septième jour de Luc Lang

Le titre du roman laisse lire les mots de la Genèse lorsque Dieu a achevé la création de l’Univers, par un homme et une femme à son image, et décida de se reposer Au commencement du septième jour, dans un monde nouveau. 

Luc Lang ne se contente pas d’emprunter seulement une citation de la Genèse mais reconstitue à travers ces mots une quête existentielle, la création de l’homme, d’un homme. Thomas, cet autre homme que le drame conduit à renaître, à trouver le repos comme l’ont fait Camille, Jean et Pauline.

Luc Lang construit son roman selon trois livres : Livre I, Livre II et Livre II. Chaque livre promène le lecteur dans un environnement, une histoire et un décor différent : Paris et le Havre, avec l’accident de Camille, les Pyrénées où vit Jean, le frère de Thomas et l’Afrique noire où s’est installée Pauline, sa sœur.

Informaticien dans une grande entreprise, Thomas met en place un système pour permettre aux patrons de tracer les déplacements de leurs employés. Un contraste saillant avec sa vie personnelle où tant de choses lui échappent… 

Camille, secrète par ailleurs au mystère imperceptible, travaille au Havre et est très prise par son travail. Elle rentre au domicile familial uniquement le week-end. Tous deux vont laisser la distance s’installait dans leur couple, prisés par leur travail respectif. 

A travers cette situation familiale, Luc Lang dresse le portrait d’une famille de classe moyenne supérieure, contemporaine, où la femme délaisse son mari et ses enfants au profit de sa carrière. Où l’homme ne prend pas le temps de s’intéresser à ceux et ce qui l’entourent. Lorsque le drame s’abat sur eux, Thomas doit faire face pour Anton et Elsa. Le mystère de la mort de Camille ne sera jamais résolu. Cet accident sur cette route dont elle ne devait pas se trouver, cette route où le danger est quasi inexistant… Le lecteur fera fi de ces réponses grâce à la force donnée aux personnages, à la vie de ces derniers et non au destin tragique de Camille, sa mort. Cette mort si peu évoquée…

Luc Lang semble par ailleurs parler de l’ampleur du travail dans le quotidien des contemporains. Le travail semble passer devant tout et avant tout dû à la pression exercée par les patrons. Une pression expliquée par les enjeux financiers de l’entreprise.

 Camille rentre peu les week-ends à cause des marchés importants pour lesquels elle voue une grande partie de son énergie. Thomas n’aura pas la promotion attendue dans son entreprise après l’accident de Camille car jugé inefficace et à risque pour l’avenir de l’entreprise.

La nature prend par ailleurs une place considérable dans l’histoire notamment au cœur des Pyrénées ainsi qu’en Afrique noire où elle est décrite de manière magistrale. Cette nature semble par ailleurs constituer le chemin vers une nouvelle vie à reconstruire, telle un pèlerinage en Terre sainte, une expérience tendant à changer le cours de la vie de Thomas après le drame familial. 

Après sa venue dans les Pyrénées, lieu de son enfance où vit désormais son frère Jean, ayant repris le domaine de leur père, Thomas rendra visite à sa sœur Pauline au Cameroun. Sœur avec laquelle les liens sont devenus invisibles. Son séjour en Afrique noire aux côtés de Pauline éclairera la vie de Thomas.

Luc Lang, à travers ce roman très ambitieux à connotation religieuse, n’épargne guère les sujets sociétaux. Le métissage semble tenir à cœur à l’écrivain. Les effets néfastes du capitalisme sont aussi évoqués par l’activité de Jean. La pression au travail et le traitement impitoyable de la hiérarchie. La place de la femme avec la position de Camille, carriériste et brillante, la montée des groupes djihadistes à travers l’histoire de Pauline exerçant ses missions près de la frontière nigérienne. Un roman qui parle de la société à travers le parcours intense de chaque personnage.

La plume brillantissime et magistrale de Luc Lang glisse le lecteur dans l’univers du roman, laisse voir et percevoir de manière évidente et naturelle les différentes situations décrites, tisse un lien indescriptible avec l’ensemble des personnages, tous différents soient- ils. De la nounou des enfants, Daba, à Jean et Pauline, les aînés de Thomas aux enfants, Anton et Elsa. 

Les points de suspensions utilisés dans le récit ne laissent jamais le lecteur en suspend mais marquent le point commun de l’ensemble des protagonistes : la difficulté à exprimer des émotions et sentiments l’un envers l’autre. Cela laisse transparaître une famille où l’on se confie peu. Une plume excellente où le lecteur n’a jamais le temps de s’arrêter, où le lecteur est entraîné dans l’histoire tel Thomas entraîné dans sa quête existentielle.